mardi 7 février 2012

COURS d'introduction au management chapitre 1


 Chapitre 1 : L’école classique de l’organisation
La société industrielle est née de découvertes techniques, de créations de richesses mais aussi d'un mouvement d'idées nouvelles qui se sont propagées progressivement dans les organisations. Au XIXème siècle, le lieu de création de richesses est symbolisé par l'usine, considérée comme la principale source de valeur ajoutée. Le fonctionnement de l'usine et ses ateliers reposent sur une discipline particulière, une organisation rationnelle du travail, une manière spécifique de voir les relations sociales. Aujourd'hui, les organisations de notre société sont héritières de ces changements. L'une des évolutions les plus significatives au début du siècle est constituée par l'introduction du courant scientifique en matière d'organisation du travail. La science triomphe ainsi au début du siècle avec l'introduction dans les usines d'une volonté d’une gestion scientifique du travail, de calculs rationnels et d'une logique de rationalisation de la production. C'est dans un tel contexte que s'est développée l'école classique de l'organisation portée par un tel mouvement d'idées probablement influencé par les travaux d'économistes précurseurs. En effet, les économistes classiques ont proposé au cours du XIXème siècle des concepts utilisables en matière d'organisation des entreprises. Adam Smith (1776) a notamment introduit la nécessité d'une division du travail, David Ricardo (1817) préconise très tôt la spécialisation des tâches et Jean-Baptiste Say (1803) suggère d'inclure les activités de services dans les activités productives. Aujourd'hui, force est de reconnaître que la pensée économique classique a manifestement influencé le courant rationnel de la théorie des organisations, en particulier F. W. Taylor, H. Ford, H. Fayol ou encore M. Weber.
I. F.W. TAYLOR ET LE TAYLORISME
1. Les fondements de la pensée de F. W. TAYLOR.
Frederick Winslow TAYLOR, né en 1856, est mort en 1915. Taylor est d'une famille aisée. De graves ennuis de santé (une grande faiblesse des yeux) l'empêchent de continuer des études plus poussées. Il entre comme apprenti dans une usine et passe par tous les échelons professionnels par son ardeur au travail et son légendaire esprit méthodique. Il s'élève ainsi au rang de contremaître puis à celui d'ingénieur. Il effectuera une grande partie de sa carrière à la Midvale Steel Company puis exercera le métier de conseil en organisation. En 1893, il publie un mémoire technique sur les courroies, en 1906 un ouvrage sur la coupe des aciers. Il réfléchit en même temps à l’organisation du travail et notamment à la gestion de la production dans des ateliers industriels. Taylor publie en 1895 un mémoire sur les salaires aux pièces puis, en 1903 sur la direction des ateliers. Enfin, il écrit et publie en 1911 un ouvrage qui fera date, Les Principes de la direction scientifique. La méthode de direction scientifique prônée par Taylor implique une révolution complète de l'état d'esprit des directions d'entreprises et des ouvriers. Relisons Taylor :
Dans son essence, le système de direction scientifique implique une révolution complète de l'état d'esprit des ouvriers, une révolution complète en ce qui concerne la façon dont ils envisagent leurs devoirs vis-à-vis de leurs employeurs. Le système implique également une révolution complète d'état d'esprit chez ceux qui sont du côté de la direction (p. 54).
Sur la problématique de l'organisation de la production, Taylor a la profonde conviction que les intérêts des dirigeants et des exécutants peuvent être convergents. La révolution d'état d'esprit qu'il propose suppose qu'au lieu
de se disputer au sujet du partage de la valeur ajoutée et d'agir les uns vis-à-vis des autres en ennemis, patrons et ouvriers joignent leurs efforts pour augmenter l'importance de la valeur ajoutée (p. 55).
L'une des intentions les plus louables de Taylor à travers son œuvre est d'avoir recherché les conditions de compatibilité entre dirigeants et exécutants pour une plus grande prospérité et une paix sociale durable.
2. Les principes de la direction scientifique des entreprises
L'apport de Taylor fut de suggérer que si l’on est en mesure de maîtriser parfaitement un certain nombre de techniques et de règles sur les problèmes de l'administration du personnel (décomposition des tâches, définition du contenu d'un poste, capacité maximale de contrôle, etc.), alors les difficultés rencontrées dans la direction de larges groupes de travailleurs sont en grande partie résolues. Cela suppose une étude scientifique du travail, débouchant sur une Organisation scientifique du travail (OST). À partir de cette organisation de la production, Taylor a la profonde conviction que les intérêts des dirigeants et des exécutants peuvent être convergents. La révolution d'état d'esprit qu'il propose suppose que patrons et ouvriers joignent leurs efforts pour augmenter l'importance de la valeur ajoutée. Les quatre principes fondamentaux de la direction scientifique des entreprises selon l'auteur sont les suivants :
L'étude de toutes les connaissances traditionnelles, leur enregistrement, leur classement et la transformation de ces connaissances en lois scientifiques. La sélection scientifique des ouvriers et le perfectionnement de leurs qualités et connaissances. La mise en application de la science du travail par des ouvriers scientifiquement entraînés. La répartition presque égale du travail exécuté dans l'entreprise entre les ouvriers et les membres de la direction (p. 70).
En définitive, on peut synthétiser les apports fondamentaux de Taylor à partir de quatre principes d'organisation ayant une portée générale.
·         La division horizontale du travail
Elle conduit à la parcellisation du travail, à la spécialisation des tâches, et à l'étude des temps d'exécution en vue de déterminer the one best way, la meilleure façon de faire.
·         La division verticale du travail
Elle vise à distinguer strictement les exécutants des concepteurs du travail. Dans cette logique, cette approche a conduit à dissocier les «cols bleus» des «cols blancs» tel que l'on les a communément nommés en milieu industriel. Ce principe incite à placer the right man on the right place, la meilleure personne à la bonne place.
·         Un système de salaire au rendement
Ce système fondé sur des primes de productivité au travail, cherche à développer la motivation de l'homme au travail. Outre une standardisation des tâches poussée à son maximum, Taylor souhaitait l'établissement du salaire à la pièce, censé constituer une motivation importante pour les ouvriers qu'il considérait comme des agents rationnels maximisant de manière consciente leurs gains monétaires.

·         Un système de contrôle du travail
À partir de ce principe d'action, chaque geste de l'ouvrier exécutant est surveillé. Cela a conduit à mettre en place dans les usines des contremaîtres chargés de réaliser cette activité de contrôle.
Ces principes d'organisation du travail reposent fondamentalement sur l'idée qu'il est possible d'appliquer à l'activité humaine un raisonnement courant en science expérimentale puisqu'il s'agit d'observer, de classer les faits, de les analyser et d'en tirer des lois ayant une portée générale sur le savoir-faire ouvrier. Cette approche du travail humain constitue en réalité la force du système taylorien car le développement des connaissances et des techniques industrielles continue à se propager de cette manière. Par exemple, l'informatique ou la robotique reposent sur une analyse systématique de l'existant et une étude minutieuse des conditions d'application de nouvelles technologies. Pour autant, le taylorisme tel qu'il a été mis en application en milieu industriel, conduit à de nombreuses conclusions notamment en ce qui concerne la conception de l'homme en situation de travail.
3. Les apports et les limites du modèle taylorien
Finalement, on peut considérer que l'un des plus grands mérites de Taylor est d'avoir cherché à concevoir, à travers l’étude scientifique du travail humain dans les organisations, un modèle d'organisation visant l'amélioration de la gestion de la production en vue de l'augmentation de la productivité. Il fut incontestablement le premier théoricien connu à avoir mis en place une méthode opérationnelle visant à accroître de manière significative le niveau de production des organisations. À propos de la contribution de Taylor à la transformation et à la modernisation des organisations, H. Savall (1974) note à juste titre que
Taylor eut l'idée judicieuse de s'attaquer au gaspillage : de matières, de temps, de gestes [ ... ] La principale conséquence positive à long terme a été que l'analyse du travail humain a facilité son transfert en travail machine (p. 28).
La rationalité scientifique constitue bien le paradigme du modèle taylorien. Le modèle d'organisation du travail qu'il préconise est rationnel puisque l'autorité s'exerce au travers de la science du travail. De plus, Taylor a recherché les conditions de compatibilité d'intérêts entre l'entreprise et les salariés se définissant en conséquence comme un humaniste à la recherche d'une paix sociale durable. Le dessein du modèle taylorien a bien conduit à l'augmentation à la fois de la productivité et à la rétribution au mérite des ouvriers.
Malgré les vives critiques dont elle a été l'objet au début du siècle, l'œuvre de Taylor a eu un impact considérable dans le développement de l'industrie. En France, la diffusion des méthodes tayloriennes de rationalisation du travail s'est largement opérée dans les entreprises industrielles. Les principes tayloriens restent de nos jours largement discutés et constituent toujours un élément central des débats sur les nouvelles formes d'organisation du travail. On peut encore observer aujourd'hui de très nombreuses formes de retaylorisation, notamment dans les activités de services.
Pour autant, la conception de Taylor de l'homme au travail repose sur une vision très appauvrie du potentiel humain. En effet, Taylor a cru que l'on peut rationaliser le travail en réduisant ou en supprimant l'initiative et l'autonomie au travail. Finalement, la principale critique que l'on peut aujourd’hui formuler aux fondements de la théorie taylorienne est que l'un des postulats implicite repose sur l'idée d'une dichotomie stricte entre le cerveau et les mains humaines.
II. H. FORD ET LE FORDISME
1. L'état d'esprit et la méthode de H. Ford
Industriel américain au début du siècle, Henry Ford est né en 1863 et décède en 1947. Ford est devenu célèbre pour avoir introduit dans ses usines le travail à la chaîne en adaptant à l'automobile les principes de rationalisation de Taylor. En ce sens, il est un continuateur de Taylor: le travail une fois par­cellisé peut être mécanisé par la chaîne. Cela conduit à faire un pas de plus dans la logique de contrôle strict du travail ouvrier.
Mais, c'est désormais la machine elle-même, à travers le déroulement de convoyeurs de pièces, qui dicte à l'homme son rythme de travail et de production. Le modèle industriel du XXème siècle s'est développé à partir du mode de production fordiste lequel a très largement contribué à l'accroissement de la croissance économique mondiale.
Fondamentalement, le but était de réduire, en les rationalisant, les temps opératoires élémentaires, grâce à une mécanisation poussée synchronisant les flux productifs. Un second principe organisait une stricte hiérarchie entre la conception, puis l'organisation de la production, enfin la vente, selon un principe de pilotage par l'amont: les marchandises produites en longue série et à bas coûts finissaient toujours par trouver preneur, même si leur qualité n'était pas nécessairement jugée excellente. Finalement, le mode de production fordiste s'est développé suivant l'esprit de la fumeuse loi libérale des débou­chés élaborée par J.-B. Say et suivant laquelle l'offre crée sa propre demande. Le mode de production fordiste vise bien la baisse des prix pour développer une consommation de masse. Si H. Ford fut souvent qualifié de visionnaire et qu'il a autant marqué le système productif mondial, c'est parce qu'il a su faire preuve d'innovation dans l'organisation de la production de masse tout en contribuant à l'élévation du pouvoir d'achat des ouvriers dans les entreprises industrielles.
2. Les principes du modèle fordiste
La notion de modèle fordiste d'organisation de la production s'est imposée du fait de son caractère pragmatique et innovant au début du siècle. On peut distinguer trois principales innovations apportées par Ford dans la construction automobile aux États-Unis.
·         Le travail à la chaîne
Ford poursuit l'œuvre de Taylor en accentuant la division horizontale du travail. Cette parcellisation, facteur de déqualification du travail, se traduit pour l'ouvrier de base par une répétition sans fin des mêmes gestes. De plus, Ford introduit très vite dans ses usines la mécanisation. Alors que Taylor propose de rationaliser les outils et l'activité de travail, Ford a recours de plus en plus souvent à la machine. En substituant le capital au travail, il remplace progressivement le travail vivant par le travail mort. Au sein des unités de production, la circulation des pièces assurée par un convoyeur assure une production à flux continu. Le principe du travail à la chaîne repose sur l'idée que ce n'est plus l'ouvrier qui circule autour du produit qu'il fabrique mais le produit qui circule sur la ligne de montage devant une série d'ouvriers fixés à leur poste de travail. Cette mécanisation présente l'avantage de supprimer une grande partie du travail de manutention par la circulation automatique des pièces. Cela favorise aussi une gestion plus rigoureuse des stocks.
Finalement, le travail à la chaîne a conduit à déposséder l'ouvrier du contrôle du rythme de son travail car la chaîne dicte désormais la cadence à suivre.
·         Le principe de standardisation des biens de production
Il s'agit de réaliser en milieu industriel une production de grandes séries grâce à des pièces interchangeables et standardisées. L'accroissement de la production par l'amélioration de la productivité conduit également à l'abaissement des coûts unitaires de production et donc à la réalisation d'économies d'échelle. Suivant cette logique, la première voiture produite en grande série, la Ford T peut être commercialisée à un prix compétitif grâce à l'obtention d'économies d'échelle. Cela va conduire H. Ford à un célèbre adage suivant lequel « tout le  monde aura une voiture de la couleur qu’il souhaite, pourvu qu’elle soit noire ».
·         Le principe du five dollars a day
À partir du 1er janvier 1914, Ford innove au niveau salarial en doublant quasiment les salaires de l'époque par l'instauration d'une rémunération journalière de cinq dollars par jour. Face à une certaine instabilité ouvrière dans les usines, il s'agit alors de fidéliser les travailleurs par un système de rémunération attractif pour l'époque. Le second objectif poursuivit par ce système de rémunération est de permettre aux ouvriers de pouvoir acquérir progressivement les voitures qu'ils produisent par l'élévation de leur pouvoir d'achat. Dans cette perspective, on peut dire que l'idée fondamentale de Ford est d'avoir cherché à associer la production de masse à une consommation de masse. En ce sens, les ouvriers Ford peuvent aussi être considérés comme des clients potentiels. C'est le développement de la production de masse associée à une consommation de masse qui a permis de créer les conditions de la croissance économique durant la majeure partie du XXème siècle.
3. Portée et limites du modèle fordiste de production
La logique du fordisme repose avant tout sur la recherche de l'augmentation de la productivité dans les unités de production. Cela se traduit concrètement par trois effets complémentaires : la baisse des prix de vente, la hausse des salaires et l'élévation des profits. Ce mécanisme a favorisé alors l'avènement d'une production de masse stimulée par le développement d'une consommation de masse. Le génie de Ford à l'époque est d'avoir eu cette vision, avant Keynes, de la nécessité d'agir sur le pouvoir d'achat de salariés au contrat de travail stable pour dynamiser l'économie nationale.
Il est important d'insister sur l'importance du rapport salarial qui est associé au fordisme. Dans beaucoup de pays, une forte conflictualité du travail aboutit en général à un compromis salarial sur un double niveau. Dans l'entreprise, les syndicats acceptent les prérogatives des directions en matière d'organisation, de technologie et de politique de produits, en contrepartie d'avantages financiers, portant soit sur le salaire direct soit sur les avantages sociaux. Au niveau du secteur industriel ou de la nation, la négociation de conventions collectives codifie les principes généraux d'évolution des salaires qui se diffusent ensuite au reste de l'économie, ne serait-ce que grâce au plein emploi qui prévaut à cette époque. En d'autres termes, le compromis salarial fordiste associe acceptation de la rationalisation, de la mécanisation de la production et l'institutionnalisation d'une formule salariale stable garantissant une progression du niveau de vie en relation avec la productivité.
Pour autant, la crise économique, révélée par les deux chocs pétroliers successifs de 1973 et de 1979, a mis en évidence l'incapacité du modèle fordiste de s'adapter aux nouvelles règles de l'environnement concurrentiel et à la donne mondiale émergente. Les entreprises ont progressivement cherché à développer l'automatisation et la robotisation pour accroître la productivité et éliminer les tâches les plus pénibles. L'impératif de compétitivité les a incités à baisser les coûts de production par le recours à la main d'œuvre peu qualifiée et à amorcer un mouvement de: délocalisation vers des pays où les coûts salariaux sont plus faibles.
Cette logique fordienne de production de masse de biens standardisés et de recherche d'économies d'échelle ne correspondait déjà plus aux exigences des marchés dans les années 80. Les évolutions rapides de la demande de produits industriels, en volume et en variété et la réduction des délais de production ont parfois conduit à l’incapacité à suivre ces changements. Le poids excessif de la hiérarchie et la complexité des organisations ont entraîné des lourdeurs de gestion incompatibles avec les impératifs de réactivité au marché. Enfin, le modèle fordiste porte trop sur la baisse des coûts de production alors que dans le même temps apparaissent de nouvelles attentes chez les consommateurs en termes de qualité, sécurité, variété de l'offre et des prestations de services associées aux produits. Pour toutes ces raisons, une prise de conscience des limites de ce modèle d'organisation est apparue dans les années 80 face à l'adversité constituée par la nouvelle concurrence japonaise fondée sur d'autres principes organisationnels. Ces entreprises industrielles japonaises ont su résoudre le problème d'une production de masse de biens différenciés et de qualité à des coûts compétitifs et fortement décroissants. Elles ont montré à l'Occident qu'il était possible de produire en séries courtes, sans stocks intermédiaires avec des niveaux de qualité et de productivité élevés.
Au total, le succès d'entreprises comme Toyota par exemple repose sur quelques innovations en matière d'organisation mais aussi de structures internes. Celles-ci conduiront les occidentaux à adapter leur modèle de production en intégrant les fonctions recherche et développement, production et marketing. Ces évolutions industrielles conduiront aussi à un travail en groupe, fondé sur la gestion de projet et la mobilisation des compétences nécessitant des salariés plus qualifiés ainsi que la participation active des ouvriers à l'amélioration de la qualité et de la productivité.
Progressivement, l'industrie occidentale encouragera l'autonomie au sein d'équipes de travail, la responsabilité des salariés ainsi que la prise d'initiatives et de responsabilités dans le souci d'une plus grande flexibilité organisationnelle et d'une meilleure réactivité dans une perspective d'accroissement de leur compétitivité.


III. H. FAYOL ET L'ADMINISTRATION INDUSTRIELLE
1. Les fondements de la pensée de H. Fayol
Ingénieur français, diplômé de l'École des Mines de Saint-­Étienne, Henri Fayol est considéré comme le premier théoricien à s'être préoccupé de l'administration des entreprises et des problèmes de commandement. En ce sens, sa pensée est complémentaire à celle de Taylor puisqu'il analyse la nature de la fonction de direction dans les entreprises. Il formule ainsi une théorie complète à l'usage des dirigeants en se fondant sur sa propre expérience à la direction d'une compagnie minière.
Dans un ouvrage publié en 1916, Administration industrielle et générale, H. Fayol insiste sur la nécessité de faire évoluer la fonction de commandement dans les grandes entreprises et de développer les qualités de leadership. Il distingue cinq fonctions clés propres au management applicables selon lui à toute organisation. Ces cinq principes dits universels sont les suivants:
-          prévoir et planifier, c'est-à-dire préparer de manière rationnelle l'avenir;
-          organiser, c'est-à-dire allouer différentes ressources, indispensables au fonctionnement de l'entreprise : les matériaux, l'outillage, les capitaux et le personnel ;
-          commander, c'est-à-dire tirer le meilleur parti possible des agents qui composent l'entreprise;
-          coordonner, c'est-à-dire synchroniser l'ensemble des actions de l'entreprise pour garantir cohérence et efficacité;
-          contrôler, ce qui revient à vérifier si tout se passe conformément au programme adopté, aux principes admis.
Ces principes d'administration et de commandement ont été édictés par H. Fayol car il est parti du constat que la très grande majorité des dirigeants de l'époque ont été formés dans les grandes écoles françaises d'ingénieurs. Les programmes et les cours sont alors exclusivement consacrés à l'étude des mathématiques et à des aspects techniques et algorithmiques. Il souhaite que l'administration, le commerce et la finance puissent être intégrés dans les programmes de formation des dirigeants.

2. Les concepts et les principes de commandement
Fayol est parti du constat qu'il n'existait pas en France de véritable doctrine administrative ce qui le conduit à formuler des propositions en vue d'élaborer une théorie de l'organisation qui puisse être utilisable par les dirigeants de grandes organisations.
Selon ces principes d'administration, une organisation élabore un plan stratégique et définit ses objectifs, met en place une structure adaptée à la réalisation de ses plans et progresse grâce au contrôle de l'activité. La finalité des travaux de H. Fayol est de montrer qu'un dirigeant peut obtenir les meilleures performances de son personnel par ses qualités de commandement des hommes et d'administration des choses. Dans cette optique, il formule onze principes généraux d’administration.
·         L'unité de commandement
Chaque employé ne doit avoir qu'un seul chef et il ne peut donc pas exister de dualité de commandement.
         La division du travail
Ce principe implique une forte spécialisation des travailleurs pour être davantage productifs.
·         Le principe d'autorité
Celle-ci est envisagée comme étant à la fois statutaire et personnelle, accompagnée des responsabilités correspondantes.
·         Le principe de discipline
Cela correspond à l'obéissance, l'assiduité, les signes extérieurs de respect réalisés conformément aux conventions établies entre l'entreprise et ses salariés.
·         L'unité de direction
Cela conduit à considérer qu'un seul leader et qu'un programme unique pour un ensemble d'opérations poursuivent le même but. Il s'agit d'une condition nécessaire à l'unité d'action, à la coordination et à la concentration des forces en vue d'une convergence d'effort.

·         L'autorité de la hiérarchie
Selon H. Fayol, tout leader doit être capable d'assumer des responsabilités hiérarchiques, de répandre autour de lui le courage et de prendre des initiatives.
·         La clarté de la hiérarchie
Il existe une chaîne hiérarchique qui est un cheminement imposé par le besoin d'une unité de commandement, il s'agit du principe d'administration hiérarchique.
·         Le sens de l'esprit de corps
Pour l'auteur, il faut un réel talent pour coordonner les efforts, stimuler le zèle, utiliser la faculté de tous et récompenser le mérite sans troubler l'harmonie des relations.
·         Un système de rémunération équitable
Les modes de rétribution doivent encourager la création de valeur et le sort du personnel.
·         Le principe d'équité
La manière dont sont gérés les salariés doit susciter un sentiment de justice sociale.
·         La stabilité du personnel
H. Fayol part du principe que les salariés des entreprises prospères doivent être stables. L'instabilité du personnel est envisagée comme la conséquence de dysfonctionnements sociaux.
Au total, les idées formulées par H. Fayol associent stratégie et théorie organisationnelle et montrent la nécessité de faire évoluer la fonction de commandement par le développement de qualités de leadership. En réalité, l'apport de Fayol, très en avance sur son temps, est considérable, car sa théorie anticipe, de manière inventive à l'époque, la plupart des analyses plus récentes de la pratique moderne du management des entreprises.
3. Les apports et les limites de l'administration industrielle
La pensée de H. Fayol  est souvent associée à tord à celle de Taylor. Dans son livre, il consacre pourtant plusieurs pages à une discussion du système taylorien, II critique en particulier la violation par Taylor du principe d'unité de commandement.
Selon lui, Taylor commet une erreur considérable en recommandant plusieurs autorités d'experts au-dessus des ouvriers et regrette l'abandon de l'ancienne méthode qui consiste à passer par le chef d'équipe. De plus, Fayol ne partageait pas l'idée, d'une nécessité d'un contrôle étroit du travail. Au contraire, il estimait que rien ne valait l'organisation libre des équipes d'ouvriers et qu'il fallait leur laisser le choix de la méthode et de l'outillage. Il voyait même dans tout cela une salutaire auto-sélection des ouvriers et une source supplémentaire de bonne entente et d'émulation. L'histoire du management a probablement donné raison à Fayol. Pour autant, il est vraisemblable que Taylor et Fayol  se complètent largement, l'un étudiant et organisant le travail depuis le poste de l'ouvrier, et l'autre faisant la même chose depuis le directeur général jusqu'à l'atelier de production. L'apport de Fayol est d'avoir introduit notamment la notion de prévoyance, c'est-à­-dire la planification stricte, générale, autoritaire et contrôlée.
Au total, lorsqu'on relit les principes d'administration industrielle et générale, on mesure le remarquable modernisme dont il a su faire preuve en particulier par ses mises en garde contre l'excès de spécialisation et d'organisation du travail, ses appels à motiver par l'initiative et ses encouragements à la communication directe.
Finalement, l'œuvre de Fayol est encore riche d'enseignements pour le management, ne serait-ce que lorsqu'on considère qu'il avait vu juste de promouvoir une plus grande culture générale du gestionnaire et pour une moindre mathématisation dans la formation de ceux qu'il voyait alors comme des administrateurs. Dans le même esprit, la pensée dense et complexe d'un auteur comme Max Weber apporte des éclairages complémentaires pour le management.
IV. M. WEBER ET LA RATIONALISATION DE L'ORGANISATION
1. L'œuvre de M. Weber
Sociologue allemand et juriste de formation, Max Weber fit ses études à l'Université de Berlin avant de devenir professeur d'économie politique. Il convient d'abord de savoir que les travaux, de Weber n'ont été que très tardivement accessibles aux Etats-Unis et en France. Ainsi le premier texte publié par lui en Amérique est la traduction de L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Les textes de Weber sont très largement utilisés en sciences humaines et sociales. De manière générale, on peut considérer que L’Éthique protestante et l'esprit du capitalisme, publié en 1905, (ou encore Le Savant et le Politique) intéressent principalement les sociologues des organisations. C'est surtout Économie et Société (1922) qui concerne le champ du management.
A partir de cet ouvrage, il est le premier auteur à avoir analysé le rôle du leader dans une organisation et à examiner comment et pourquoi les individus réagissent à des formes diverses d'autorité. Par exemple, il est ainsi le premier auteur à utiliser le terme charisme dans son acception moderne caractérisant les qualités personnelles d'ascendant sur les autres que peut posséder un individu. En fait, on peut aujourd'hui affirmer que l'œuvre de Weber est considérable et qu'elle s'articule pour l'essentiel autour de trois grands axes.
Le premier est philosophique puisqu'il s'interroge sur le devenir d'une société européenne en proie aux éclatements idéologiques et à la montée de l'individualisme et de la rationalité. Il montre en ce sens les dangers de la rationalité croissante due à la capacité de calcul et pouvant conduire à limiter les capacités de créativité et d'innovation qui ne sont possibles, selon lui, que par des actes déviants et irrationnels. Le second axe concerne une théorie des sciences humaines à partir d'une étude des conditions scientifiques de la connaissance des faits humains. C'est à partir de là que Weber propose le recours à ses fameux idéaux types qui ne sont rien d'autre qu'une construction intellectuelle que le savant élabore « en accentuant par la pensée » des données et des faits du réel « mais dont on ne rencontre jamais d'équivalent dans l'empirie ». Pour Weber, la bureaucratie telle qu'il l'a décrit est par exemple un idéal type, un concept singulier dont le rôle et l'usage sont de mener, par comparaison entre idéal type et réalité, à la compréhension de situations réelles. Enfin, le troisième axe, et probablement le plus important chez Weber, c'est l’axe sociologique. En effet, Max Weber est aujourd'hui considéré par les sociologues comme le maître de la sociologie compréhensive. II s'agit d'une sociologie qui cherche à comprendre la réalité sociale par la pénétration et l'interprétation des significations que les personnes donnent à leurs actes. «Il n'est pas nécessaire d'être César pour comprendre César », écrit-il dans Economie et Société.
2. Les fondements de l'autorité et du pouvoir dans les organisations
Le point de départ de l'apport de Weber à la théorie des organisations réside dans une analyse des formes d'administration au sens large du terme. Ces travaux s'intéressent à la manière dont les hommes gouvernent en particulier pour imposer une autorité et faire en sorte que la légitimité de celle-ci soit reconnue par tous. Selon Weber, on peut distinguer trois types d'autorités légitimes: l'autorité à caractère rationnel, de laquelle se rapproche le plus l'administration moderne, l'autorité traditionnelle et l'autorité à caractère charismatique.
·         L'autorité rationnelle ou légale
Il considère cette forme d'autorité comme la forme dominante des sociétés modernes. Celle-ci repose sur un système de buts et de fonctions étudiés rationnellement, conçu pour maximiser la performance d'une organisation et mis à exécution par certaines règles et procédures. L'essentiel des décisions et des dispositions est écrit. C'est la fonction ici plutôt que l'individu qui est investi de l'autorité. Ce système impersonnel correspond pour Weber à la bureaucratie qui est pour lui la forme d'administration des choses la plus efficace car elle ne tient pas compte des qualités personnelles des individus.
·         L'autorité traditionnelle
Celle-ci est davantage liée à la personne qu'à la fonction en particulier au sein des entreprises familiales. Le nouveau leader se voit confier son mandat par son prédécesseur. Ce concept de tradition peut également se trouver dans les cultures de certaines entreprises où l'attitude dominante consiste à dire « nous avons toujours fait comme cela ». Cette forme d'autorité repose ainsi sur l'adhésion au bien-fondé de dispositions transmises par le temps. L'obéissance est fondée sur une relation personnalisée et le droit est un droit coutumier.
·         L'autorité charismatique
Celle-ci repose sur les qualités personnelles d'un individu et ne peut se transmettre car elle tient exclusivement à sa personnalité. Il s'agit d'une relation de prophète à adeptes qui implique la révélation d'un héros et sa vénération. Cependant, celle-ci est assez instable car si le détenteur du pouvoir est abandonné par la grâce, son autorité s'effrite. Le groupe fonctionne ainsi comme une communauté émotionnelle.
Pour comprendre cette typologie de l'autorité et de sa légitimité à l'exercer, il convient de ne pas perdre de vue que:
Weber n'entend pas faire une description de la réalité empirique. Les trois formes d'autorité dont il rend compte sont plutôt des idéaux types, c'est-à-dire des constructions théoriques qui visent à opérer des comparaisons avec la réalité observée et à analyser des écarts. On insiste particulièrement sur cette notion d'idéal type car elle est bien centrale dans la pensée de Max Weber. On retrouve cette logique intellectuelle dans son élaboration d'une théorie de la bureaucratie.
3. La théorie de la bureaucratie
Selon Max Weber, le système rationnel est le pilier d'une administration efficace. Les grandes caractéristiques de la direction administrative bureaucratique la rapproche fortement de l'idéal type de l'autorité à caractère rationnel-légal. Weber indique que cette forme d'organisation se retrouve dans toutes sortes d'entreprises. Il pense qu'une telle forme d'organisation présente une logique de fonctionnement la plus rationnelle sur le plan formel, de par son exigence de conformité réglementaire, de par sa prévisibilité et en raison de sa précision technique. La nécessité de l'administration de masse, tant des biens que des personnes, rend la bureaucratie inévitable. Selon sa pensée, une bureaucratie performante applique principalement les idées suivantes :
-          les agents sont personnellement libres, soumis à une autorité seulement dans le cadre officiel de leur fonction;
-          ils sont organisés dans une hiérarchie d'emplois clairement définie ;
-          chaque emploi à une sphère de compétences légales formellement définie;
-          l'emploi est occupé sur la base d'une libre relation contractuelle;
-          les candidats sont sélectionnés sur la base de leurs qualifications techniques;
-          ils sont rémunérés par un salaire fixe et ont droit à une retraite ;
-          la promotion dépend de l'ancienneté et du jugement des supérieurs ;
-          chaque agent est soumis à une discipline et à un contrôle strict et systématique de son travail.
Ces critères, bien que largement critiqués par les théoriciens du management, sont en vigueur dans beaucoup d'organisations. Il y a près d'un siècle, Weber était convaincu de leur supériorité pour conjuguer les efforts des individus au travail. Selon lui, le capitalisme a joué un rôle majeur dans le développèrent de la bureaucratie puisque c'est un système économique fondé sur le calcul rationnel du gain à long terme.
Il établit également un lien entre organisation et religion à travers sa thèse consacrée aux relations étroites selon lui entre l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Fondamentalement, il pense que l'essor du capitalisme et de la bureaucratie est favorisé par une attitude morale particulière : la religion protestante qui favorise l'accumulation du capital avec sa croyance dans une rédemption fondée sur une activité créatrice sur terre. Pour Max Weber, le système capitaliste repose sur l'entreprise rationnelle, industrielle dont le but est de faire du profit par le calcul économique et la production. C'est la jonction du désir du profit et la rationalité qui constitue l'originalité du capitalisme occidental. Mais Il y a bien une mentalité particulière, une éthique protestante selon laquelle les biens et les richesses accumulés ne doivent pas être dépensés de manière sommaire. Au contraire, cette accumulation de richesses va de pair avec une morale austère, méfiante vis-à-vis du monde et de la jouissance qu'il pourrait procurer. Cette vision du monde se développe dans un climat individualiste, chacun est seul face à Dieu. Cette affinité spirituelle entre l'état d'esprit protestant et le capitalisme repose sur une organisation rationnelle et légale du travail en vue de produire toujours davantage dans l’intérêt général.
Ce chapitre, consacré à l'examen des théories classiques des organisations, correspond en réalité à une première vague de réflexions qui a dominé la pensée scientifique et managériale des années 1900 à 1930. Elle peut se définir comme la volonté de mettre de l'ordre dans les organisations par l'établissement de règles strictes. L'organisation étant conçue comme un mécanisme destiné à produire des biens ou des services dans lequel chaque individu est un rouage.
Cette période correspond également à des contextes économiques et sociaux bien déterminés. Le taylorisme est avant tout une réponse aux contradictions soulevées par le mode de production artisanal, dominant à la fin du siècle dernier. A cette époque, l'organisation scientifique du travail a fait preuve d'une incontestable efficacité, en raison des gains de productivité qu'elle a générés. Le taylorisme a aussi permis, grâce à la réduction des temps d'apprentissage, d'intégrer dans l'industrie en plein essor, une main d'œuvre nouvelle peu qualifiée, d'origine rurale ou immigrée. La décomposition du travail en tâches élémentaires a accéléré le développement de la mécanisation et un mode de production fordiste fondé sur la production de biens standardisés. Caricaturée par Chaplin dans Les Temps modernes, la chaîne de montage accroît l'intensité du travail et élimine les temps improductifs. Le modèle industriel occidental mis en œuvre dans les grandes entreprises combine ainsi plusieurs apports théoriques complémentaires : le taylorisme qui fait référence à des concepts organisationnels de base, le fordisme désignant le travail sur les lignes d'assemblage et de standardisation de produits, la contribution de Fayol vers une unité de commandement, de direction, de prévoyance et de coordination dans les organisations.
L'œuvre de Weber à travers sa théorie de l'action rationnelle vient alors renforcer l'idée dominante selon laquelle il est important de dépersonnaliser les relations de travail en vue de renforcer l'équité dans les organisations. Si, incontestablement, les apports de cette école classique ont contribué activement à la création de richesses, de nombreuses critiques apparaissent progressivement dans les organisations. Il s'agit alors de chercher à humaniser les relations de travail, cela constitue le champ d'action principal de l'école des relations humaines.

 cours dispensé par Monsieur Jean Théophile AGADAME
mail: ajeant2002@yahoo.fr
Pigier 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire